Le défi de la protection de l’environnement face aux ODD

Print Friendly, PDF & Email

Cet article fait suite à mon intervention dans le cadre du webinaire organisé le 30 septembre 2020 par RSE Bénin. Tout d’abord, il s’agit d’analyser l’intégration des ODD 13, 14 et 15 liées à la protection de l’environnement en illustrant leur mise en œuvre dans les trois pays africains suivants : la République du Congo (ODD 13), l’Algérie (ODD 14) et le Bénin (ODD 15) (I). Sont ainsi abordés les cadres juridiques réalisés par lesdits États pour assurer la mise en œuvre de l’Agenda 2030 et les objectifs correspondants énoncés dans l’Agenda 2063 de l’Union Africaine (objectifs n°6 et 7). Dans un second temps, il convient de rappeler les mécanismes de contrôle non contentieux et contentieux des standards du développement durable (II) institué dans le cadre de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples pour garantir la mise en œuvre du droit au développement considéré comme norme africaine de développement durable.

Il s’agit ici d’illustrer comment les États africains se sont appropriés les ODD liées à la protection de l’environnement ? Quel mécanisme de contrôle institué au niveau régional en Afrique?

I. L’intégration de la protection de l’environnement par les ODD : cas de la RDC, de l’Algérie et du Bénin

L’analyse est axée sur les ODD 13, 14 et 15 qui concernent directement le secteur de l’environnement dans trois pays africains : la République du Congo pour l’ODD 13 (A), l’Algérie pour l’ODD 14 (B) et le Bénin pour l’ODD 15 (C).

A. L’ODD 13 « Action climatique » : le cas de la République démocratique du Congo

L’ODD 13 qui traite de la lutte contre les changements climatiques est une priorité pour le Gouvernement congolais. Cet ODD 13 est aligné sur l’objectif 7 de l’Agenda 2063 de l’Union africaine A ce titre, la République démocratique du Congo (RDC) a ratifié plusieurs conventions internationales et pris une série de mesures (programmes, textes de lois, projets) visant à sauvegarder la faune et la flore ainsi qu’à protéger les populations contre les risques de catastrophes.

  • En 2014, des scientifiques ont découvert les tournières tropicales dans le Bassin du Congo entre la République du Congo et la République Démocratique du Congo. Lesquelles tourbières s’étendent sur une superficie de 145 500 km2 et disposent d’un potentiel de séquestration de 30 milliards de tonnes de carbone.
  • La RDC dispose de dix-sept aires protégées s’étendant sur une superficie de 4 350 418 ha. Sa couverture forestière est de 65% et son annuel taux de déforestation de 0,05%.
  • La RDC possède des mangroves localisées dans sa zone côtière. Ces mangroves constituent un autre écosystème à haute teneur en carbone.

La RDC a défini une série de mesures concrètes relatives à :

  • La protection du patrimoine naturel, de la biodiversité, des forêts et des ressources halieutiques, à travers une approche d’adaptation ancrée dans la protection des écosystèmes. Le Gouvernement congolais a créé à ce jour dix-sept aires protégées couvrant une superficie de 4.350.418 hectares, soit 13,2% du territoire national.
  • La protection des systèmes productifs sensibles au changement climatique à travers la stratégie nationale du développement durable, le ProNar, REDD+, le Congo s’engage à restaurer les écosystèmes et à renforcer leur résilience, à lutter contre la dégradation des sols et des forêts, et à prévenir les inondations.
  • Le transfert des technologies climatiques adapté aux priorités nationales de développement.

Entre 2018 et 2022, les cibles de l’ODD 13 sont prises en compte dans les programmes ci-dessous :

  • Le programme de renforcement des capacités en matière de développement durable : qui concerne : le renouvèlement des équipements, l’élaboration de la stratégie nationale de développement durable, et l’actualisation et l’harmonisation des principaux textes juridiques en matière d’environnement afin qu’ils forment un ensemble cohérent qui couvrirait tous les domaines de l’environnement ;
  • Le programme de renforcement des capacités environnementales : qui porte sur par exemple sur l’élaboration de la Stratégie nationale en matière d’éducation environnementale ; ou encore la collecte des données sur l’environnement ;
  • Le programme réduction des émissions des gaz à effet de serre : qui permettra la poursuite de la mise en œuvre du plan d’investissement de la stratégie nationale REDD + pour l’amélioration de la gouvernance et la gestion durable des forêts et la rationalisation de la filière bois-énergie.
B. L’ODD 14 « Conserver et exploiter de manière durable les ressources marines » : le cas de l’Algérie

Avec ses 1622 kms de côte bordant la mer Méditerranée, l’Algérie est particulièrement concernée par l’ODD 14 afin de lutter contre la pollution marine et à préserver les écosystèmes marins et côtiers et leur exploitation durable. Il faut souligner par ailleurs qu’au cours des dix dernières années, il y a eu au moins 15 cas de pollutions accidentelles en mer, le long des côtes algériennes. Les déchets marins ont des implications environnementales, économiques, sociales dommageables avec un impact négatif sur les écosystèmes côtiers et marins et sur les services qu’ils fournissent affectant en fin de compte les moyens de subsistance et le bien-être des citoyens.

L’Algérie s’est fixée des orientations stratégiques qui se fondent particulièrement sur :

  • La lutte contre la pollution marine ;
  • La préservation des écosystèmes marins et côtiers et des normes environnementales ;
  • L’exploitation durable des ressources halieutiques.

Pour atteindre les exigences fixées par l’ODD 14 (équivaut à l’objectif 6 de l’Union africaine : économie bleue), l’Algérie s’est dotée d’un cadre juridique portant conservation et exploitation durable du milieu côtier et marin, qui se compose de :

  • La loi de 2002 relative à la protection et à la valorisation du littoral dans ses dispositions spécifiques aux zones côtières ;
  • La loi de 2011 relative aux aires protégées dans le cadre du développement durable ;
  • La loi de 2014 relative aux ressources biologiques ;
  • La loi de 2015 relative à la pêche et à l’aquaculture.
    Le Gouvernement a mis en place un cadre organisationnel pour la mise en œuvre de ces lois. Ce dernier s’articule autour du :
  • Commissariat National du Littoral (CNL) qui veille à la mise en œuvre de la politique nationale de protection et de mise en valeur du littoral ;
  • Haut Conseil de la Mer qui fixe les mesures à prendre pour une gestion durable du littoral et des espaces maritimes sous juridiction nationale ;
  • Centre National du Développement des Ressources Biologiques ;
  • Nationale de Recherche et de Développement de la Pêche et de l’Aquaculture (CNRDPA) qui est chargés de mener des recherches sur les écosystèmes aquatiques, marins et continentaux.
C. L’ODD 15 « Restaurer et préserver les écosystèmes terrestres » : cas du Bénin

La contribution nationale volontaire 2020 du Bénin capitalise les acquis des éditions 2017 et 2018 du Forum Politique de Haut Niveau. Le rapport du Bénin au FPHN, édition 2020, rend compte des progrès réalisés par le pays dans sa marche vers les ODD.

  • Le diagnostic des indicateurs de l’ODD 15, qui équivaut à l’objectif 7 « économie durable et résiliente au climat » de l’union africaine, fait ressortir qu’au niveau de la préservation des écosystèmes, la proportion de la surface émergée totale couverte par des zones forestières s’est établie à 49,55% en 2015.
  • La superficie de forêts classées dégradées restaurées est passée de 43 ha en 2016 à 229 ha en 2018 et le pourcentage du domaine forestier classé, géré conformément aux plans d’aménagement est en nette progression passant de 40% en 2016 à 67% en 2019.

Au nombre des mesures et réformes majeures mises en œuvre par le Gouvernement au niveau de l’ODD 15, on peut retenir :

  • La réforme sur la stratégie de reboisement ;
  • L’élaboration du code forestier ;
  • L’élaboration et l’adoption d’une note de politique sur la neutralité de la dégradation des terres;
  • L’adoption du Plan d’Actions National sur la GDT 2018-2027 ;
  • L’élaboration de stratégies et plans d’actions nationaux sur la biodiversité ;
  • Et la création d’un Centre d’échanges nationaux.

Le Gouvernement du Bénin a élaboré un Cadre Décennal d’Actions pour l’accélération de la mise en œuvre des ODD (CDA-ODD) 2021-2030. Ce document élaboré avec toutes les parties-prenantes vise à obtenir le consensus sur les efforts des acteurs pour un nouvel élan vers l’atteinte des ODD.

II. Les mécanismes de contrôle des standards du développement durable institués par la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples

Tout d’abord, la technique de contrôle non contentieux institué par la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples (CADHP) pour garantir le droit au développement économique, social, et à la jouissance égale du patrimoine commun de l’humanité, reconnu à l’article 22 de ladite Charte comme un droit de l’homme de nature individuelle et collective, qu’on considère d’ailleurs comme l’unique et véritable norme africaine de développement durable.

Parmi les techniques de contrôle non contentieuse prévus par la CADHP, on peut citer en trois :

  • La soumission par les États parties des rapports périodiques : Le rapport s’entend comme le compte rendu de l’État sur la mise en œuvre de ses propres obligations internationales. Le contrôle de l’application nationale des dispositions de la CADHP est exercé par la Commission africaine des Droits de l’Homme et des Peuples. L’une des spécificités du système africain de protection des droits de l’homme par rapport aux autres systèmes régionaux institués, est que, seule la CADHP impose à ses États parties l’obligation de soumettre régulièrement des rapports périodiques.
  • Le pouvoir d’enquête dont bénéficie la Commission africaine des droits de l’Homme et des Peuples en vue de dénoncer toute situation de violation des droits de l’homme, y compris le droit au développement économique, social, et à la jouissance égale du patrimoine commun de l’humanité. L’objet de l’enquête est de contribuer à la mise en œuvre des normes de développement durable dont fait partie le droit au développement.
  • L’adoption par la Commission africaine des droits de l’Homme et des Peuples des résolutions à l’issue d’un constat alarmant sur la situation des droits de l’homme dans un pays africain : Dans le cadre de sa mission de promotion et de protection des droits de l’homme, la Commission africaine des droits de l’Homme et des Peuples peut être amenée à adopter des résolutions sur la situation des droits de l’homme dans un pays donné. La résolution contribue à la protection des droits de l’homme en Afrique, y compris du droit au développement en tant que norme africaine de développement durable.

Enfin, l’institution du contrôle contentieux, à travers une plainte, vise à assurer la mise en œuvre des normes du développement durable est une exigence posée par l’article 8.18 de l’Agenda 21 qui est considéré comme l’un des standards internationaux en la matière. La Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples et la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples sont les deux organes institués auprès de l’Union africaine pour assurer la protection des droits de l’homme en Afrique.
Les États doivent définir des procédures administratives et judiciaires nécessaires capables de sanctionner toute violation des normes de développement durable et de donner lieu à réparation aux parties lésées. Ces procédures doivent également être ouvertes non seulement aux États, mais également aux personnes privées.

CONCLUSION

L’adoption du Programme 2030 et de l’Agenda 2063 par les pays africains représente un véritable défi pour la protection de l’environnement face aux objectifs de développement durable (ODD 13, 14 et 15) Tout l’enjeu de la mise en œuvre de ces deux agendas consistera à aligner leurs objectifs et cibles sur les plans nationaux de développement. L’Agenda 2063 ouvre ainsi la voie à l’intégration des ODD dans les cadres définis par l’Afrique elle-même (voir les objectifs n°6 et 7).

Par Chancia IVALA PLAINE | Spécialiste du droit de l’environnement

© Tous droits réservés. Toute reproduction de cet article est interdite sans l’autorisation de l’auteure.